Black Panther, c’est le film hollywoodien du moment. Tout le monde en parle sur la toile, sur les réseaux sociaux et même si vous n’avez pas encore vu le film, certains faits révélateurs de ce grand succès du cinéma sont à noter.
La production du nouveau personnage de fiction des studios Marvel, (pas si nouveau que ça après le projet avorté de Wesley Snipes en 1992) apparait après la série des Iron Man, Thor, Deadpool, etc…, et vient à point nommé pour battre tous les records. Black Panther (BP), ce sont des revenus dans le monde de plus de 750 M$ à ce jour, seulement 2 semaines après sa sortie, dont plus de 200 M$ dès le 1er weekend de la sortie. (Source: www.boxofficemojo.com). Des Soundtracks aux tendances sénégalaises et sud-africaines, des acteurs à dominance Afro-américaine et des costumes inspirés des masaïs du Kenya, enfin tout pour rappeler l’Afrique.
Mais là n’est pas le sujet du jour. Ce qu’il y a lieu d’analyser c’est le coup stratégique magistral joué par Disney sur cette proposition du produit à travers les studios Marvel. Au-delà d’une simple approche marketing, c’est une vision très stratégique qui a été adoptée et qui répond parfaitement à des attentes majeures du public. J’aborde ici la particularité de cette stratégie que je qualifierai de stratégie d’appartenance pour faire ressortir la raison pour laquelle Black Panther ne pouvait que battre tous ces records.
1- La cible ou le client : « L’audience »
Dans son livre « Defining the Business », Derek F. Abell, a établi 3 dimensions ou axes principaux pour définir une bonne segmentation stratégique de son activité: A qui est destiné le produit (la cible ou le client), A quoi cela servira (les fonctions ou les attentes) et comment le dispenser pour atteindre le résultat voulu (le processus ou la technologie). Cet outil stratégique en application marketing par Disney permet de révéler un personnage de fiction peu anodin.
En effet BP représente à la fois un personnage sophistiqué des comics de superhéros, et ayant des origines noires; ce qui est nouveau à cause des pseudos clichées qui dépeignent la communauté noire ou Africaine comme ayant peu d’attractivité. Black Panther est tout le contraire de ces stéréotypes ; fils de roi, fort, intrigant et doté de capacités tel un vrai dieu sur terre à l’instar de Thor à Asgard. Ainsi, en dépeignant ce personnage, Disney s’assure de capter autant l’audience caucasienne américaine, que celle afro-américaine qui s’identifiera plus à ce personnage. Le reste du monde étant déjà conquis par les personnages précédant de superhéros, ils n’en seront pas moins éblouis par ce nouveau personnage surprenant.
Et pour cause, avec BP le nombre d’entrées des afro américains dans les salles de cinéma pour un film de superhéros est passé de 15% en moyenne à 37% le premier weekend, contre 35% pour les caucasiens et 18% pour les hispaniques [1] ; du jamais vu en terme d’entrée en salle du public noir américain pour ce type de films. Marvel a bien su capter son audience en adaptant le bon produit à une couche qui représente plus de 12% de la population américaine, sans compter les Africains vivant sur le continent noir ou le film a été 1er en salle dès sa sortie à l’exemple du Nigeria et de l’Afrique du Sud.
2- Les fonctions ou les attentes : « le besoin d’appartenance »
Malgré les nombreuses critiques qui insistaient entre autre sur le fait que l’audience aurait préférée voir des acteurs réellement africains plutôt que des acteurs afro-américains, les attentes des clients ont été largement comblées. Plusieurs cinéphiles aux origines caucasiennes, asiatiques et autres ont apprécié voir un film avec un superhéros noir, qui leur a permis de découvrir sinon d’imaginer une autre Afrique, avancée culturellement et technologiquement, avec un attachement aux terres et aux valeurs ancestrales tout en ayant le regard tourné vers le futur. Ceci vient aussi à contrecourant de l’actualité récente qui montrait une Afrique si pauvre que ses habitants prennent le risque d’aller se noyer en masse dans les eaux méditerranéennes en tentant de rejoindre un eldorado Européen, et où des populations sont encore au temps de l’esclavage comme l’a montré un reportage de la chaine américaine CNN il y a quelques mois en Libye. Un film du même niveau que les productions précédentes des studios Marvel, et qui a encouragé plusieurs à s’engager à financer l’entrée des salles pour des jeunes noirs des quartiers défavorisés aux Etats unis (le Black Panther Challenge) afin qu’ils puissent voir ce film dans l’optique d’avoir un modèle, de s’identifier à cet héro des temps modernes qui leur ressemble, de briser la barrière de l’incapacité et comprendre qu’ils peuvent apporter quelque chose de positif à l’humanité tout comme les autres peuples [2]. Certains assimilent même ce film à la pensée du « Black Lives Matters » qui a connu une montée en puissances ces dernières années aux Etats unis.
En cela Disney a créé une base pour redonner de l’espoir à une communauté noire en quête de repères. Elle a su répondre à cette volonté de reconnaissance et d’appartenance que le peuple noir attend du monde entier, et même si cela sert plus à des intérêts capitalistiques, elle a su comprendre les attentes de ses cibles et exploiter le sentiment d’appartenance communautaire de celles-ci pour leur apporter un produit adapté et en tirer du profit. Maslow avait compris ce besoin d’appartenance, Disney en a fait un business.
3- Le processus ou la technologie : « le sensationnel d’une production cinéma à grand budget »
En matière de Superhéros, qui mieux que les studios Marvel sait produire du divertissement de haute portée. Black Panther n’échappe pas à la règle avec ses 200 M$ de budget. Une nécessité pour réaliser un tel niveau de divertissement media dont on ne se lasse pas du premier abord. Le lancement de BP s’est fait à grande échelle pour toucher un maximum de public dans plusieurs pays. Plus de 4000 salles utilisées pour le lancement aux USA en 3D et Imax; les salles ont fait comble tout de suite. Ce qui a joué, c’est la communication dont Disney a fait preuve pour introduire ce personnage. Déjà annoncé depuis Octobre 2014, le personnage de BP fait sa première apparition dans « Captain America : Civil War » sorti en 2016. Puis annoncé pour sa sortie en 2017, il fera sa première à Los Angeles en Janvier 2018 pour enfin sortir en Février 2018. Tout le monde semblait attendre ce film pour voir l’histoire d’un superhéros noir.
Ensuite viennent les effets spéciaux du film qui montrent une Afrique très avancée technologiquement et qui surprend même les cinéphiles tant cette avancée technologique est digne d’un niveau extra-terrestre. En misant sur cet effet de pouvoir et de technologie avancée, Disney projette une image directement en lien avec la tendance actuelle de grande consommation dans le monde où tout tend désormais à être basé sur la technologie. Le 3D printing, la 5G, l’IoT et l’IoE (Internet of Everything), les véhicules autonomes, l’intelligence artificielle, le cloud computing, le bio-mimétisme et la bionique, les drones, la réalité virtuelle et la réalité augmentée … toutes ces technologies impactent ce nouveau millénaire, et sont la priorité pour la création de richesse à l’échelle mondiale. Disney atteint sa cible par le cinéma, mais pas n’importe lequel, le cinéma futuriste à sensation qui intègre une vision de ces technologies comme étant à portée de main, et le client apprécie.
BP, c’est en somme une stratégie bien pensée, qui est d’abord fondée sur un besoin d’appartenance de sa cible principale (les noirs) et qui a su démontrer une maitrise parfaite des facteurs clés de succès (la communication, le sensationnel) pour réussir à battre tous ces records du box-office américain.
4- Alors, quel intérêt pour les entreprises en terme de stratégie ?
Les entreprises peuvent exploiter ce sentiment d’appartenance de leur cible (locale ou internationale) pour favoriser des modèles d’inclusion et élargir leurs sillages en termes de segmentation. L’objectif est de dépasser son appartenance propre pour présenter une offre commerciale qui intègre le sentiment d’appartenance de sa cible. Mettre en avant sa fibre locale par exemple pour présenter son produit est insuffisant de nos jours (sauf dans certains cas tels que les produits culturels), mais mettre en avant que son produit peut satisfaire un besoin d’appartenance dans lequel le client s’identifiera permettra surement de créer une différenciation de son offre face à la concurrence et ainsi, de faire plus de profit.
[1] http://deadline.com/2018/02/black-panther-thursday-night-preview-box-office-1202291093/
[2] https://www.today.com/parents/man-wants-send-kids-black-panther-great-reason-t121104